On connait la musique...

On connait la musique...

Tout faux ?

L'apprentissage de la musique s'effectue en grande partie au travers d'une approche analytique, à l'image de l'étude scientifique. La musique est une mécanique que l'on décortique comme un assemblage d'éléments. Notes, rythmes, accords, tonalités, etc. sont étudiés comme des objets distincts ayant chacun leurs propriétés et leur fonction. L'harmonie a ses lois comme les lois de la physique, les objets sonores sont définis par des paramètres facilement quantifiables.

Grace à cette approche très structurée, on peut programmer un ordinateur pour qu'il joue de tout instrument, pour qu'il puisse générer des accompagnements automatiques et des arrangements de tel ou tel style. On sait désormais faire composer à un ordinateur un « hit » en le nourrissant avec les derniers tubes qui ont fonctionné.

 

Sur le plan pédagogique, une telle approche présente le risque d'enseigner comme programmer un ordinateur. La pratique musicale, inhérente à l'homme depuis ses origines, à l'image des démarches spirituelles, ne peut bien évidemment pas se réduire à un mécano d'informations normées que l'on assemble avec des règles données.

La magie d'un bouleversement intime qui nous saisit – ou non - à l'écoute d'une musique demeure dans la sphère mystérieuse des abstractions mentales. La sensibilité auditive qui nous fait entendre, comprendre une musique et s'en émouvoir, est une perception globale et non analytique. Il ne sert à rien de connaître le nom des notes, leur durée, le nombre de temps des figures rythmiques, des mesures, la composition d'un accord, la relative mineure d'une tonalité majeure, et que sais-je d'autre, si l'on éprouve des difficultés à ressentir le tempo, les hauteurs, l'articulation des phrases mélodiques, la logique d'un rythme ou d'une mélodie, une modulation d'harmonie. Ce ressenti instinctif, qui s'affranchit de toute démarche analytique, est la condition indispensable à toute pratique musicale.

En dispensant nos cours de formation musicale, solfège, harmonie, analyse... aurions-nous donc tout faux ?

 

Si l'on s'éloigne de nos musiques occidentales, on constate que la plupart des musiques d'Afrique, d'Asie, d'Orient se transmettent principalement oralement. Là, point d'écriture musicale structurée comme notre solfège, pas de théorie musicale analytique, mais un apprentissage basé sur l'écoute, la perception, le ressenti, la mémorisation. Là, l'oreille, le cœur, et non l'analyse structurelle, là l'organique et non le mécanique.

Là, tout juste, alors ? Oui, considérant que la musique est un jeu subtil et complexe de mouvements, d'interactions, de déploiements, alors son approche globale est la plus pertinente pour saisir le sens, l'esprit, l'intention qui l'anime. Jouer de la musique met en œuvre un système d'interactions dynamiques à des niveaux multiples (temporel, acoustique, gestuel, sensoriel...) qui rend vaine, ou du moins incomplète, toute démarche analytique.

 

Ces différences de visions dépassent le domaine musical. L'approche holistique, approche globale faisant abstraction des parties, est une tournure d'esprit orientale, alors que l'occident procède principalement par démarche analytique. Ainsi, par exemple, pour la médecine chinoise, le corps n'est pas un assemblage d'organes, il est un tout intégré dont les organes ne sont que des expressions. La cause profonde, somatique d'un mal sera ici recherchée alors que la médecine occidentale s'inscrira plus dans une logique de réparation de l'organe défectueux.

De même, la plupart les spiritualités orientales offrent une vison cosmocentrique et unitaire du monde alors que l'occident propose une organisation, une hiérarchie, des pouvoirs : Dieu, des anges, des saints, des prophètes, des vivants, une dualité croyant/mécréant, bien/mal...

Tout est vacuité et impermanence disent les Boudhistes ; tout est dans tout, tout est dans un, tout est cause et effet de tout, disent les Taoïstes. Quoi de plus impermanent et insaisissable que l'exécution d'une musique ? Et dans toute musique, tout n'est-il pas interactions, causes et effets réciproques, un tout dans l'unité de l'oeuvre ?

Le taoïsme assimile l'univers à la création continue d'une œuvre philharmonique et chaque être, animal, caillou, végétal, atome, est un instrument qui improvise sa ligne mélodique et contribue à ce concert cosmique. Et jouer juste, c'est être en harmonie avec le monde.

 

On se calme, l'objet de ce billet n'est pas de tenter de vous convaincre d'endosser un robe safran et de rejoindre le monastère bouddhique le plus proche, ou de préparer le terrain quant aux séances de méditations zen que j'inclurai prochainement dans mes cours. Non, plus pragmatiquement, je vous invite à toujours remettre en cause votre façon d'apprendre et de pratiquer la musique, à chercher de nouvelles approches, à demeurer curieux et aventureux, à nourrir votre démarche musicale de différentes pensées. Et jouez juste !

 

 

 



20/01/2020
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