On connait la musique...

On connait la musique...

La France a peur tous les soirs à 20H00

"La France a peur tous les soirs à 20H00", Mickey 3D : https://youtu.be/eeZpwcVRfwE

Il y a 4 ans, fin 2018, la France faisait face à un mouvement de protestation plutôt inédit : les gilets jaunes. La façon dont cette crise fut (très) couverte par les médias instillait le récit anxiogène d'un pays en proie au chaos. Souvenez-vous : chaque samedi offrait son décompte de manifestants, de dégradations et de blessures, de routes et d'autoroutes bloquées; on pressentait Paris et les grands centres urbains à feu et à sang; on redoutait l'effondrement des services publics et de l'économie. Nous semblions sombrer dans un grand sous-marin jaune qui n'avait malheureusement rien à voir avec celui des Beatles.

 

Puis, sans que nous ayons vraiment eu le temps de nous égayer par quelques pensées légères, un an plus tard survint le Covid. Cette fois-ci la crise n'était plus cantonnée à notre hexagone, le drame était mondial. Chaque jour, chaque heure, pendant de nombreux mois, les médias relataient exclusivement les paramètres alarmants de la pandémie. Nous ne vivions plus que soumis aux chiffres des nombres de contaminations, d'hospitalisations, de morts. Souvenez-vous : chaque frémissement des courbes de ces chiffres, chaque apparition d'un nouveau variant à l'autre bout de la planète, apportait son lot de perspectives sinistres. La succession ininterrompue des vagues et la potentielle virulence accrue des variants faisait claironner aux plus pessimistes - et leurs relais étaient nombreux dans les médias - que l'on n'en sortirait jamais. Après tout, les grandes épidémies, les catastrophes naturelles et les guerres, comme le montre l'histoire de l'humanité, sont des éléments qui provoquent cycliquement les chutes des civilisations. Voilà bien des lendemains qui chantent...

 

Tiens, justement, la guerre... il ne manquait plus qu'elle ! Et la voilà qui débarque il y a une dizaine de mois, en pleine Europe, pas si loin de chez nous, menée par un autocrate dément qui brandit l'arme atomique. Au fil de quelques titres glanés ces derniers mois dans les médias tels «  Jusqu'où ira Poutine ? » « Risque d'escalade en Europe » « La plus grande centrale nucléaire d'Europe sous les bombes » « La Russie et l'Europe relèvent leur niveau d'alerte nucléaire »... , on ne peut qu'acter un climat informationnel particulièrement angoissant.

 

Je n'évoque pas de la crise climatique, l'anéantissement de la biodiversité, n'en rajoutons pas trop, cela risquerait de vous être indigeste.

 

Un petit mot, toutefois, sur l'effondrement de notre système de soins et sur la désertification médicale : je mourrai peut-être parce que je ne pourrai pas être pris en charge médicalement, mais avec dans ma poche un superbe téléphone 5G ultra connecté qui m'informera en temps réel de la hausse des cours de mes actions dans l'industrie pharmaceutique, ça console...

 

Quoique, non, aux dernières nouvelles, les antennes-relais des téléphones risquent de subir des coupures car l'approvisionnement en électricité sera aléatoire cet hiver. Je me rassure en me disant que la France fait partie du G7, regroupement des plus grandes puissances économiques du monde, et que ce serait bien pire sinon, non ?
Et puis j'ai toujours aimé jouer acoustique, « unplugged », surtout avec des moufles, j'adore les challenges, ça stimule la créativité.

 

Bon, j'arrête, je n'en jette plus, le pire c'est que je n'invente rien et que vous êtes déjà probablement suffisamment abattus par ce crescendo d'actualités anxiogènes qui ne focalise que sur les faits dramatiques et, perdus dans de sinistres pensées, vous en attendez avec terreur le point d'orgue.

 

Pourtant...

 

Je fus adolescent et jeune adulte durant les années 70 et 80. L'état du monde n'était pas plus réjouissant que de nos jours.

La guerre froide faisait planer la menace permanente d'une troisième guerre mondiale, nucléaire cette fois-ci, un contexte d'autant plus stressant que nous devions obligatoirement effectuer une année au service de l'armée. Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 provoquèrent des crises économiques conséquentes ; la fin des « 30 glorieuses » était là, avec un chômage toujours croissant ; le Sida pointait son nez dans les 80's, signant l'arrêt de l'insouciance libertine acquise à la fin des années 60 ; la sécheresse de 1976, les marées noires (230 000 tonnes de pétrole brut déversés au large des cotes bretonnes par l'Amoco Cadiz en 1978 ) alertaient déjà sur la dégradation de notre environnement.

 

Tout ce flux d'informations anxiogènes était bien évidemment relayé par les médias. J'ai pourtant le souvenir d'une légèreté, d'une gaité, d'une énergie positive qui imprégnaient la société.

Internet n'existait pas, les principaux relais d'informations étaient les (quelques) chaines de radio et de télévision, et les journaux. L'immédiateté n'avait pas l'hégémonie actuelle : pas de réseaux sociaux, pas de chaines d'information en continu.

 

Je ne reviendrai pas sur la richesse de la créativité musicale de ces années, à laquelle nous devons tant, et sur la liberté (paradoxale) et l'impertinence des comiques de l'époque : Coluche, Bedos, Desproges, etc...

 

Sociologues, historiens et autres spécialistes des sciences humaines pourront analyser mieux que moi la combinaison d'éléments qui firent de ces années – plus particulièrement les 70's - une période un peu folle et réjouissante. Verrait-on aujourd'hui au J.T. de 20H00 notre Président jouer de l'accordéon https://youtu.be/rYJ37ZLe2bU ou bien un reportage sur un homme qui mange un avion de tourisme https://youtu.be/-rLl7E_sIpc ? Diffuserait-on aujourd'hui tous les soirs aux heures de grande audience un chef d'oeuvre d'absurdité et de subversivité tel que le fut la série animée Les Shadoks ? https://youtu.be/tpD0Pdr7oD0

Quoi qu'il en soit, toutes choses sont impermanentes, « The times they are a changing "  constamment, nous sommes en 2022 et nous ne pouvons que subir le climat actuel au risque de nous perdre dans une morosité chronique.

 

Alors que faire ?

 

Et bien... peut-être tout simplement faire de la musique, du théâtre, de la danse, du dessin, de la peinture....

Pratiquer et développer une activité artistique reste probablement le meilleur antidote contre cette politique actuelle de la peur.
Opposons la créativité et la liberté de nos corps, de nos voix, de nos mains, au carcan du flux continu et anxiogène des actualités. Opposons le temps long de l'expression artistique au diktat de l'immédiateté informationnelle.

 

"Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus" disait la chorégraphe Pina Bausch.

Oui, danser pour ne pas courber la tête sous les propos des Cassandres médiatiques, chanter et jouer pour couvrir leurs récits funestes et inventer les nôtres, plus beaux, plus excitants.

Alors, à nos instruments ! Jouons, sinon nous sommes perdus...

 

 


05/12/2022
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Une musique à inventer - chiche ! (3)

"Ce sont de drôles de types qui regardent les fleurs

Et qui voient dans leurs plis des sourires de femme"

Léo Ferré "Les Poètes" https://youtu.be/fsrgJHfpBjg

 

Les chercheurs scientifiques sont de grands poètes. Certaines de leurs découvertes nous ouvrent des portes sur un imaginaire que seule la poésie nous invite à percevoir.

 

Des botanistes ont eu l'idée de diffuser des sons de bourdons autour de fleurs, puis ils ont analysé celles-ci en les comparant avec d'autres restées dans le silence. Les fleurs ayant été stimulées avec le son des insectes pollinisateurs ont produit instantanément un nectar plus riche et plus sucré que celles non stimulées.

Les fleurs ont réagi à un stimuli sonore, donc elles entendent !

 

Puis les chercheurs ont réussi à localiser l'organe de la fleur qui perçoit le son et le transmet à la plante : ce sont les pétales. La forme concave en entonnoir de la couronne de pétales jouerait, de plus, le rôle d'un cornet acoustique ainsi qu'une oreille.

La fleur est une oreille !

 

Imaginez toutes ces oreilles à l'écoute dans une prairie fleurie au printemps : quel public fabuleux !

Reste à imaginer la musique qui plairait aux fleurs. Pas simple, d'autant que, pour connaître leur avis, il ne faut pas trop compter sur leurs applaudissements.

Rimski-Korsakov, avec son célèbre « Vol du bourdon » était-il le premier à avoir perçu la sensibilité musicale des fleurs ? https://youtu.be/pgLODq5URUo

 

La musique pour fleurs reste à inventer. Chiche ?

 

 

Source : https://www.france.tv/france-5/l-abominable-mystere-des-fleurs/3378388-emission-du-jeudi-19-mai-2022.html

 


30/05/2022
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Catalogue d'oiseaux

 

Olivier Messiaen (1908 – 1992) est un compositeur majeur du XXème siècle. Sa musique constitue un pont entre le néoclassique et les musiques contemporaines. Chez Messiaen, l'atonalité se fait discrète, les audaces harmoniques et l'emploi de dissonances demeurent ancrées dans un langage somme toute assez « classique ». Il a pourtant ouvert la voie aux grandes figures audacieuses de la musique contemporaine tels Pierre Boulez et Iannis Xenakis, qui furent ses élèves au Conservatoire de Paris.

Voici quelques pièces remarquables pour découvrir ce compositeur : https://youtu.be/SkwBEpSfuYg https://youtu.be/8PjyCpRKDrk

 

Olivier Messiaen est également ornithologue. Sa passion pour les oiseaux imprègne toute son œuvre. Il n'a cessé tout au long de sa vie de retranscrire les chants des oiseaux pour les intégrer dans ses compositions.

Son œuvre la plus emblématique sur ce point est « Catalogue d'oiseaux ». Il s'agit d'une suite pour piano qui décline en 13 pièces des variations sur les chants de 13 oiseaux : chocard des Alpes, loriot, merle bleu, traquet stapazin, chouette hulotte, alouette lulu, rousserolle effarvatte, alouette calandrelle, bouscarle de Cetti, merle de roche, buse variable, traquet rieur, courlis cendré. https://youtu.be/UmrAL2WNjGs

Catalogue d'oiseaux fut écrit entre 1956 et 1958. Si Olivier Messiaen devait écrire cette œuvre aujourd'hui, soit une soixante d'années après sa création originale, il ne le pourrait pas. Ou, du moins, pas dans sa richesse originale :

  • le Traquet rieur n'est plus, il est officiellement classé comme « espèce disparue de France ». (Le dernier couple nichait en 1996 dans le massif des Albères, dans les Pyrénées orientales.),

  • 4 autres oiseaux (merle bleu, alouette lulu, alouette calandrelle, courlis cendré) ont une population en forte régression, ils sont menacés d'extinction dans certaines régions,

  • 4 autres espèces sont en déclin notable (chocard des alpes, traquet stapazin, rousserolle effarvatte, monticole merle de roche).

Catalogue d'oiseaux ne comporterait plus aujourd'hui que 12 pièces au lieu de 13 et Messiaen aurait fort à faire pour aller étudier et relever les chants de 8 oiseaux devenus rares.

 

La nature a toujours été une source d'inspiration primordiale pour les artistes. L'homme préhistorique reproduisait principalement des scènes animalières sur les murs des grottes. Un paysage naturel dit « pittoresque » tient étymologiquement sa qualification du fait qu'il soit « digne d'être peint, de fournir un sujet à un peintre ou un graveur ».

 

En musique, les exemples sont légion.

En tant que guitariste, je pense notamment à l'étude n°1 pour guitare de Villa Lobos, qui est une évocation remarquable de la mer. La pièce est une suite d'arpèges ondoyants qui simule la succession des vagues sur la côte, chaque arpège étant répété à l'image du flux et du ressac de chaque lame de mer. https://youtu.be/Mi8BtyNuVDw

Quelques années plus tard, son compatriote A. C. Jobim, écrira, en clin d'oeil à Villa Lobos, sa traduction musicale bossa nova de la vague dans le morceau "Wave" https://youtu.be/a6KDpB6skA4

Autrement, allez jeter une oreille sur la première partie du Sacre du Printemps de Stravinsky, exprimant l'adoration de la terre couverte de fleurs au Printemps. Si la sève ne vous monte pas dans les veines à son écoute, désabonnez-vous de ce blog. https://youtu.be/yrhGmXY_wpk 

 

Notre écosystème naturel n'est pas seulement une organisation biologique complexe nécessaire à la vie sur terre, et dont notre existence - notre survie désormais – dépend. Elle est aussi le milieu dans lequel nous puisons notre créativité et notre bien-être psychique.

La médecine actuelle s'accorde à reconnaître les bienfaits thérapeutiques de la fréquentation des animaux et des végétaux. Caressez un chat qui ronronne doucement sur vos genoux ou allez faire une ballade en forêt, vous comprendrez de quoi je parle.

Pas étonnant, dès lors, que créativité artistique et nature aient toujours été d'intimes complices.

 

A notre époque qui voit la biodiversité s'effondrer, le climat menacé par le réchauffement climatique, et les espaces naturels détruits par la suractivité humaine, comment la création artistique peut-elle évoluer alors que l'un de ses plus puissants moteurs se meurt ?

 

Dans un précédent article, R.I.P. Mélodie !, que je vous invité à relire https://onconnaitlamusique.blog4ever.com/rip-melodie, nous nous interrogions sur la disparition des formes mélodiques dans les musiques d'aujourd'hui. Nous évoquions les outils numériques utilisés pour la création et la réalisation musicale, comme explication à ce phénomène.

Ce n'est probablement pas la seule raison. Il se pourrait bien que la crise environnementale que nous connaissons tende à rompre les liens intimes qui unissent créativité et nature. L'effacement de celle-ci ne nous permettrait plus de nous nourrir de son inépuisable beauté mélodique et harmonique, et notre inspiration se verrait alors réduite aux sons de nos activités urbaines, numériques, motorisées, consuméristes.

 

S'il était encore parmi nous, Olivier Messiaen, prenant acte et faisant fi des temples végétaux que forment les frondaisons forestières et les bocages champêtres, n'aurait plus qu'à puiser son inspiration dans les centres commerciaux, ces nouvelles cathédrales du culte de la croissance, nos nouveaux biotopes de béton, de verre et d'acier.

Mais si, cherche bien, Olivier, il y a quelques pigeons...

 

 

PS : à voir et écouter, un excellent documentaire sur Olivier Messiaen en replay sur Arte https://www.arte.tv/fr/videos/104480-000-A/ecouter-le-chant-des-oiseaux-olivier-messiaen-compositeur-et-ornithologue/

 

 

 


05/05/2022
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Demain...

 

Demain, vous irez voter dans le cadre de l'un des scrutins les plus conséquents de notre 5ème république, l'élection présidentielle.

Oui, vous irez voter ! Ne faites pas les enfants gâtés de la démocratie : encore actuellement, dans de nombreux pays, des gens combattent et meurent pour avoir ce droit dans le cadre d'élections libres et ouvertes à tous.

 

 

Lecteurs de ce blog, musiciens, mélomanes, vous partagez probablement comme moi le constat d'Albert Camus : « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude».

Alors j'ai pris les professions de foi des candidats, que nous avons tous reçues dans nos boites aux lettres, et j'ai cherché les items relatifs à la culture. Je vous les livre tels quels, avec les candidats en ordre alphabétique.

 

 

Nathalie Arthaud : rien, pas un mot ni une phrase sur ce sujet.

 

 

Nicolas Dupont-Aignan : « Gratuité des musées et monuments historiques pour les français le dimanche »

 

 

Anne Hidalgo : rien, pas un mot ni une phrase sur ce sujet.

 

 

Yannick Jadot : « Hausse du budget de la culture d'un milliard d'euros »

 

 

Jean Lassalle : rien, pas un mot ni une phrase sur ce sujet.

 

 

Marine Le Pen : « Je lancerai une politique de sauvegarde des joyaux de notre histoire et un service national du patrimoine »

 

 

Emmanuel Macron : rien, pas un mot ni une phrase sur ce sujet.

 

 

Jean-Luc Mélanchon : rien, pas un mot ni une phrase sur ce sujet.

 

 

Valérie Pécresse : rien, pas un mot ni une phrase sur ce sujet.

 

 

Philippe Poutou : rien, pas un mot ni une phrase sur ce sujet.

 

 

Fabien Roussel : « Création d'un grand ministère de la culture doté d'un budget égal à 1% du PIB »

 

 

Eric Zemmour : rien, pas un mot ni une phrase sur ce sujet.

 

 

Huit candidats sur douze ignorent totalement le volet culturel dans leurs programmes ! Seuls deux affichent une ambition de moyens accrus envers le ministère de la culture. Deux autres évoquent des mesurettes populistes insignifiantes.

(sauf erreur de ma part : j'ai pu ne pas voir une évocation du sujet chez un candidat tant elles sont succinctes le plus souvent – merci de rectifier dans les commentaires si c'est le cas)

 

 

Alors - pour finir encore par une citation - si, comme le poète René Char vous pensez que « L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant » ; et que l'essentiel se situe dans la culture, l'éducation, la santé, la paix, le respect de la vie sous toutes ses formes, la tolérance et l'amour; que l'insignifiant nous est constamment instillé par des polémiques ineptes, étriquées, démagogiques, via les réseaux sociaux, les médias et la propagande consumériste, alors relisez ces professions de foi et votez !

 

 

Si vous ne le faites pas, d'autres voterons pour vous, ne l'oubliez pas.

 

 

Allez, place à la musique : je vous propose de (ré)-écouter ce magnifique hymne anti-consumériste d'Alain Souchon, un appel au bonheur via l'amour et la beauté immatérielle.

https://youtu.be/V_SNDGwwGFM

 


08/04/2022
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Chiche ! (2)

Steve et Kevin sont, respectivement, chargé de com' et directeur artistique dans une boite de prod' musicale actuellement très en vue. Nous avons surpris l'une de leurs conversations :

 

  • Il est bon, ce brunch. T'as pas faim ?

  • Tais-toi, j'suis out. Hier j'ai crashé mon auto-tune juste après avoir enregistré un gimmick bien groovy.

  • T'avais updaté ta version ?

  • Non, sorry !

  • Alors c'est reset total...

  • Ouais, la lose, mec !

  • Au fait, tu viens demain à l'after du boss sur le roof-top du building de la boite ?

  • Oh, non, j'ai too much sur ma to-do-list

  • Allez, sors un peu de ton open space, t'es no-life, là !

  • T'inquiètes, j'suis pas en burn out. On fête quoi ?

  • Le teaser de l'album d'Hippolyte Baudet, une compil hard-core de branles et de bourrées du bas berry, à la vielle à roue électro.

  • Ah ouais, super set list !

  • Y'a pas à dire, mais les roots, la culture trad, c'est vraiment pas has-been.

  • Ouais, respect, man !

 

 

Les anglicismes parasitent notre langue. Le métissage, qu'il soit linguistique, artistique, génétique, est plutôt un facteur réjouissant d'ouverture, de dynamisme, de créativité et de bonne santé. On peut cependant regretter une certaine forme d'hégémonie de l'anglais dans ces apports de nouveaux mots, ainsi que l'émergence d'un jargon amphigourique porté par une pseudo-intelligentsia « moderne »

 

 

Ceci est loin d'être une particularité de ce début de XXIème siècle. En 1962, Léo Ferré sortait cette chanson, une pépite que je souhaitais vous faire découvrir. Un texte plein d'humour et incisif, mis en valeur par un arrangement jazzy remarquable. Ecoutez :

https://youtu.be/yi2vewYPQ2Y

(vous retrouverez les paroles des chansons en bas de cet article)

 

 

Ceux qui souhaitent explorer le regard caustique que Léo Ferré portait sur ses semblables et sur la société, peuvent également écouter le délicieux « T'es rock, coco ». Il s'agit d'une diatribe à l'intention de ceux que l'on appellerait aujourd'hui des « branchés », bref, des snobs, des outrecuidants, des pédants friands des dernières polémiques stériles à la mode, asservis par la culture fast-fashion, ne jurant que par ce qui est nouveau.

Le texte, qui s'attaque également aux dérives de la société contemporaine, est d'une étonnante fulgurance poétique. Quant à la musique, écoutez attentivement ce petit motif récurrent de flute traversière (à partir du deuxième couplet) qui vient instiller continuellement de la moquerie et un certain malaise du à son caractère atonal, tandis que toute l'architecture musicale est portée par un ostinato immuable à la basse, au caractère borné et égocentrique.

https://youtu.be/dibJ2vWEhpg

 

 

Cette chanson fait écho à celle de Boris Vian, écrite quelques années auparavant, en 1954, « J'suis snob » : https://youtu.be/yFdYZQmQtcs

Et si l'on remonte encore ainsi quelques décennies, quelques siècles en amont, nous pouvons retrouver le même esprit dans Les caractères de La Bruyère ou les Fables de La Fontaine.

 

 

Ces auteurs qui nous tendent un miroir lucide reflétant nos travers, nos faiblesses, nos vanités, sont parmi les vigies salutaires que nous évoquions dans le précédent article.

Ce miroir là, qui n'est pas des plus agréables, est à l'opposé des miroirs de nos portables lorsque nous nous « selfions » avec auto-satisfaction.

 

 

Je vous entends déjà me brocarder et m'accuser d'être un vieux réactionnaire, un nostalgique cacochyme.

Mais ne vous moquez pas si vite de mes propos surannés et de mes références désuètes. Car, aujourd'hui, écouter Léo Ferré ou lire La Fontaine est au top des tendances actuelles, une attitude hyper hype, le must, trop cool, quoi !

Non ?

Chiche !

 

 

 

LA LANGUE FRANCAISE (Léo Ferré)

 

C'est une barmaid 

Qu'est ma darling 

Mais in the bed 

C'est mon travelling 

Mon best-seller 

Et mon planning 

C'est mon starter 

After shaving 

J'suis son parking 

Son one man show 

Son fuel son king 

Son slip au chaud 

Rien qu'un p'tit flash 

Au five o'clock 

J'paie toujours cash 

Dans l'bondieu scop 

 

ET J'CAUSE FRANCAIS 

C'EST UN PLAISIR 

 

C'est ma starlett 

Ma very good 

Mon pick-galette 

Mon hollywood 

C'est ma baby 

Au tea for two 

C'est ma lady 

Au one two two 

J'suis son jockey 

Son steeple-chase 

J'sais la driver 

A la française 

Dans l'sleeping car 

After paillasse 

A son milk-bar 

J'me tape un glass 

 

ET J'CAUSE FRANCAIS 

C'EST UN PLAISIR 

 

C'est ma call girl 

Ma savourex 

Qu'effac' sa gueule 

A coups d'kleenex 

C'est ma lucky 

C'est ma pall mall 

Ma camel qui 

Fait ça pas mal 

Quand c'est OK 

On fait l'remake 

Quand c'est loupé 

On fait avec 

J'lui fais l'mohair 

Et la syntaxe 

Très rock in chair 

Je shoot relaxe 

 

ET J'CAUSE FRANCAIS 

C'EST UN PLAISIR 

 

C'est un' barmaid 

Qu'est ma darling 

Mais in the bed 

C'est du forcing 

C'est du pam pam 

A chaque coup d'gong 

C'est plus un' femme 

C'est un ping-pong 

Quand je suis out 

Elle m' sex appeal 

Et dans l'black out 

Je smash facile 

Sur son standing 

In extremis 

J'fais du pressing 

Au self service 

 

ET J'CAUSE FRANCAIS 

C'EST UN PLAISIR 

 

C'est mon amour 

Mon coqu'licot 

Mon p'tit bonjour 

Mon p'tit oiseau 

 

AND JE SPEAK FRENCH 

C'EST UN PLEASURE

 

 

 

 

T'ES ROCK, COCO ! (Léo Ferré)

 

Avec nos pieds chaussés de sang 

Avec nos mains clouées aux portes 

Et nos yeux qui n'ont que des dents 

Comme les têtes qui sont mortes 

Avec nos poumons de Camel 

Avec nos bouches-sparadrap 

Et nos femmes qu'on monte au ciel 

Dans nos ascenseurs-pyjamas 

 

t'es Rock, Coco ! t'es Rock ! 

 

Avec nos morales bâtardes 

Filles d'un Christ millésimé 

Et d'un almanach où s'attarde 

Notre millénaire attardé 

Et puis nos fauteuils désossés 

Portant nos viandes avec os 

Et la chanson des trépassés 

Des jours de gloire de nos boss 

 

t'es Rock, Coco ! t'es Rock ! 

 

Avec nos oreilles au mur 

Avec nos langues polyglottes 

Qui magnétophonisent sur 

Tous les tons et toutes les bottes 

Avec nos pelisses nylon 

Qui font s'attrister les panthères 

Dans les vitrines du Gabon 

Leur peau pressentant la rombière 

 

t'es Rock, Coco ! t'es Rock ! 

 

Avec nos journaux-pansements 

Qui sèchent les plaies prolétaires 

Et les cadavres de romans 

Que les Goncourt vermifugèrent 

Avec la société bidon 

Qui s'anonymise et prospère 

Et puis la rage au pantalon 

Qui fait des soldats pour la guerre 

 

t'es Rock, Coco ! t'es Rock ! 

 

Cela dit en vers de huit pieds 

A seule fin de prendre date 

Je lâche mon humanité 

ET JE M'EN VAIS A QUATRE PATTES

 

 

 


31/03/2022
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