On connait la musique...

On connait la musique...

Il faut cultiver notre jardin... musical

Selon le jardinier et poète Gilles Clément (1), « Jardiner, c'est accompagner le temps, c'est ne pas s'y heurter ».

Jardiner, c'est vivre au plus près des saisons, de la météo, de la terre, des insectes... Lorsque l'on plante une graine, c'est pour un lendemain que l'on espère fructueux. Cette promesse du fruit à cueillir, du légume à récolter, de la fleur à contempler, nous rend plus supportable l'écoulement du temps qui nous rapproche inexorablement de notre fin.

« Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.

Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !

Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide. »

Baudelaire (in L'horloge)

Jardiner aurait permis à Baudelaire d'atténuer son spleen, en rejoignant un autre espace-temps, en réalisant une projection constante entre présent et futur lui permettant d'endurer le temps.

 

Endurer le temps, mieux le maitriser... cela ne vous rappelle rien ? Je vous invite à relire l'article « Les maîtres du temps » de ce blog, dans lequel nous décrivions le pouvoir de création et de manipulation du temps que possède le musicien. Quantifier les 3mn d'une pop song ou les 3h d'un opéra n'ont pas de sens pour l'interprète ou l'auditeur. Nous sommes là dans une dimension, autre que celle dictée par l'horloge. Le temps de la musique, comme celui du jardinage est un temps rendu désirable.

 

L'apprentissage de la musique s'inscrit également dans un rapport juste et pacifié avec le temps. L'instrument, la voix, se travaille comme la terre, patiemment, sur le long terme. Le sol s'amende et se bonifie avec le temps comme la musicalité et la sensibilité. Le savoir-faire en jardinage, comme la technique instrumentale, devient plus précis et efficace avec une longue pratique et beaucoup d'expérience.

 

Gilles Clément affirme également « Jardiner c'est désobéïr ». Découvrir le cycle et la place de chaque plante, chaque insecte, apprendre que le concept de "mauvaise herbe" est une ineptie, réaliser l'importance de chaque élément biologique dans l'alchimie de la nature, appréhender le un dans tout et le tout dans un, sont des épiphanies subversives dans notre monde actuel. Le diktat de la performance, de la rapidité, de l'uniformisation requise par notre sytème du toujours plus, n'a pas de prise sur le jardinier en harmonie avec la nature et respectueux d'elle.

De même, inscrire son apprentissage musical dans le temps long, l'accepter et le goûter, c'est ne pas céder aux sirènes contemporaines de la satisfaction immédiate et sans effort. Prendre du temps musical, pour jouer ou écouter, c'est s'extraire des incessantes sollicitations imposées par l'injonction de connexion constante. Faire de la musique c'est refuser le bruit. Le bruit des réseaux fléaux sociaux, le bruit de l'info continue, le bruit de la pub, le bruit des discours politiques,… toute cette assourdissante rumeur planétaire stérile.

 

Alors, renouons avec un temps fertile et apaisé, désobéissons et coupons le son du bruit délétère pandémique : cultivons notre jardin... musical.

 

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_Clément

 



07/04/2020
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