On connait la musique...

On connait la musique...

Chiche ?

 

D'abord, permettez-moi quelques rappels, qui seront aussi l'occasion de ré-écouter des titres remarquables :

 

En 1941 le chanteur américain Woodie Guthrie inscrit sur sa guitare « This Machine Kills Fascists » (« cette machine tue les fascistes »). Ses chansons militantes inspireront le renouveau du folk américain des années 1960, à la tête desquelles on trouvera des interprètes tels que Bob Dylan ,Joan Baez , Richie Havens, qui influenceront des changements de société majeurs dans les années 60. https://youtu.be/rynxqdNMry4

 

Publiée en 1955 dans le douloureux contexte de la guerre d'Algérie,« Le Déserteur » de Boris Vian constitue un authentique chant de protestation et s'inscrit dans la tradition de la chanson française engagée.Viendront ensuite Léo Ferré, Brassens, et bien d'autres. Cette chanson est aussi le symbole de la liberté d'expression en butte à la censure et aux carcans de l'ordre établi qui sévissent à l'époque.

Conçue dans le climat de contestation larvée qui suivit le déclenchement de la guerre d'Algérie, c’est la prise de parole d'un jeune homme insoumis à laquelle toute une génération adhére. https://youtu.be/aeRSVmaXyQY

 

Quelques mois après l’assassinat du pasteur Martin Luther King, à la fin de l’été 1968, on entend à la radio le chanteur James Brown qui lance « Say it loud ! » (« Dis-le fort ! ») et un groupe d’enfants qui répond « I’m black and I’m proud ! » (“Je suis noir et j’en suis fier”) Ce n’est plus une guerre intime, c’est un combat au grand jour. Et c’est le futur qui parle : si les enfants crient « Je suis noir et j’en suis fier ! », c’est qu’ils ne veulent plus jamais vivre la soumission et l'humiliation qu’ont vécu leurs parents. https://youtu.be/4hj1iWqoYEc

 

Le lundi 17 août 1969, alors que le festival de Woodstock touche à sa fin, le guitariste Jimi Hendrix tire de son sommeil un public apathique en jouant une version apocalyptique de l'hymne américain, le Star spangled banner, Utilisant les distorsions, les sons qui sortent de sa guitare évoquent des cris, des bruits de bombes, d'avions, Hendrix entend ainsi dénoncer, à sa manière, l’engagement militaire américain au Vietnam et résume la colère de la jeune génération pacifiste américaine des 60s. https://youtu.be/ezI1uya213I

 

Le RAP, dont les initiales signifient Rock Against Polices prend forme dans les quartiers de New York comme le Bronx à la fin des années 1970. Conçu par et pour le ghetto noir américain, le rap met en avant les conditions d'extrême précarité dans lesquelles vivent ces populations. Le rap est alors une musique politisée, un vecteur pour transmettre les messages révolutionnaires des jeunes noirs militants. https://youtu.be/PobrSpMwKk4

 

En clamant “No future” à la fin des années 70 le mouvement punk jette son désespoir à la face de lAngleterre antisociale à l'aube des années Tatcher. Son message est simple : le monde économique libéral et consumériste que vous nous proposez n'a pas de futur. https://youtu.be/BaHhxRGYjFA

 

En 1986 le groupe Carte de séjour, composé de musiciens français d’origine algérienne, réinterpréte de la chanson de Charles Trenet Douce France. Cette version est largement diffusée sur les ondes FM nationales et à la télévision. Elle porte sur le devant des questions sociétales, en pleine montée en France du Front national, un coup de projecteur particulier sur la communauté française d'origine maghrébine dite des Beurs. Le groupe prône dans ce contexte identitaire difficile l'intégration et les fondements de la tolérance. https://youtu.be/JcHixlFoc78

 

Ainsi, maintes fois, en vigies salutaires, les musiciens ont su bousculer les mentalités et les pouvoirs en place et ont oeuvré à faire progresser les libertés et la paix.

C'est l'apanage de tous les arts, qui peuvent être des armes redoutables contre l'injustice, l'infamie, la haine. Picasso affirmait que “ La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements, c'est un instrument de guerre offensive contre l'ennemi. "

 

Pourtant, à l'heure où :

  • les débats autour de l'élection présidentielle à venir focalisent sur la peur et le rejet de l'autre

  • un dictateur qui envahit militairement un pays souverain a fait l'objet de propos bienveillants de la part de certains candidats à la présidentielle,

  • la crise climatique et environnementale, qui menace notre existence même, est méprisée par la majorité des candidats,

  • une majorité des français ne souhaite pas aller voter. Pourtant, la retraite à 60 ou 65 ans; l'obsession nationaliste ou la construction européenne, c'est quand même pas la même chose, non ?

  • les français placent les préoccupations environnementales en tête de leurs inquiétudes mais leur vote traduit des préoccupations sécuritaires, xénophobes et consuméristes

  • la pandémie récente a mis en lumière notre vulnérabilité mondiale et l'indigence honteuse de notre système de santé - on n'a pas entendu beaucoup de choses ambitieuses sur ce point de la part des candidats...

  • le volet culturel demeure complètement absent des débats actuels - il y a déjà des décennies que ça dure : Malraux, Jack Lang, revenez !

 

(Si l'on regarde le reste du monde, il n'y a pas lieu de se réjouir non plus : les totalitarismes et les désinformations en tous genres prospèrent; les milliardaires des gafam investissent des milliards dans la conquête spatiale au lieu de réparer la planète; la guerre, la faim, la misère gangrènent encore des pans entiers d'humanité, mais les profits des plus riches progressent, je vous rassure.)


A cette heure, donc, quel artiste, quel mouvement porte une musique dissidente, lucide et forte, qui puisse nous réveiller ? Si elle existe, elle n'est, du moins, pas relayée.

Silence radio : le rap se “nombrilise” dans un discours puéril machiste et bling bling, le rock “nostalgise” sur ses faits d'armes passés, la chanson française “s'intimise”, se recroqueville, se “selfise”, quant aux musiques électros, ben elles font de l'électro c'est tout... (et moi, beaucoup de barbarismes).


Alors, Joan Baez, Boris Vian, Léo Ferré, Brassens, Jimmy Hendrix, James Brown, Johnny Rotten... et les autres, revenez, ça urge !


Vous allez probablement vous dire qu'une humeur “vieux-con-grincheux” suinte de ce billet. Certainement, mais j'assume, car si vous pouviez me donner tort, je serais le plus heureux des hommes.


Alors, les jeunes, chiche ?

 



25/03/2022
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