On connait la musique...

Ce blog prend décidément des couleurs bien crépusculaires cet été. Après avoir discouru du décès de la mélodie dans mon dernier article, voici qu'advient celui du batteur des Rolling Stones, le groupe le plus marquant de l'histoire des musiques actuelles de la deuxième moitié du XXème siècle, privilège que seuls les Beatles peuvent prétendre partager.

Charlie Watts est paradoxalement, à l'origine, un batteur de jazz, un style qu'il continuera à jouer régulièrement dans différents projets musicaux, en parallèle de sa carrière au sein du « greatest rock'n'roll band in the world ».

Dans le jazz, le subtil décalage temporel qui existe entre le jeu du batteur et celui du bassiste est, plus qu'une signature stylistique, la condition sine qua non du swing, cette pulsion organique qui vous met des fourmis dans les jambes et vous provoque des frissons dans la peau. Charlie Watts a remarquablement su transposer dans le rock cette façon de jouer avec le guitariste Keith Richards : l'un est « au fond » du temps, l'autre « avance » sur le temps. La marque musicale inimitable des Rolling Stones est là.

C'est aussi la culture musicale élargie de Charlie Watts qui valut aux Rolling Stones le succès de «Sympathy for the Devil ». Dans ce morceau, il joue une figure rythmique latine - un groove totalement inédit dans le Rock - qui vient se frotter aux âpretés du propos musical des autres musiciens.

Mais il n'est pas un jazzman, il n'est pas un rocker. Il est tout simplement un musicien. Loin des imbéciles querelles de chapelles stylistiques, Charlie Watts nous a montré une fois de plus que la musique doit se nourrir de métissage.

Sans ouverture, sans curiosité, sans rencontres, sans expérimentations, la musique se sclérose, s'affadie, s'avilie.

Merci Charlie, de nous l'avoir rappelé tout au long de ta carrière.

Dessin de Pierre Roux, illustrateur et auteur de BD

(qui plus est Berrichon et partage quelques gènes avec moi)