On connait la musique...

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Commentaire / bi-tonalité

Ce court billet fait suite à l'article publié par Arthur https://wordpress.com/read/feeds/69357980/posts/2086761647 et lui tiendra lieu de commentaire. Arthur a fait partie de mes élèves (plutôt doué, mais... « apprends tes gammes, Arthur ! ») et je vous recommande vivement la lecture de son blog. D'autant plus que sa plume toujours habile et pertinente est souvent au service de propos traitant de la musique.

 

Il est ici question de ce que l'on appelait, dans le jazz-fusion années 80, la bi-tonalité. Il s'agit de jouer mélodiquement un arpège différent de l'accord constituant l'harmonie.

Exemple : sur un accord de C Maj (do, mi, sol), je vais énoncer l'arpège de Em (mi, sol, si). Ainsi la combinaison de l'accord harmonique et de l'accord mélodique va générer un C Maj7 (do, mi, sol, si).

Ce procédé donne la sensation que le soliste survole l'harmonie en la transcendant : le discours ne s 'inscrit pas franchement dans les accords de l'accompagnement mais évolue dans leurs enrichissements. La mélodie improvisée semble alors suivre une grille parallèle, une voie plus risquée, un chemin de traverse au parfum plus libre, plus subversif. L'effet est souvent troublant car, comme le souligne Arthur, il y a parfois superposition des sonorités Maj et min.

 

Pour expérimenter ces cheminements bi-tonals, on peut simplement trouver des voies en décomposant les accords d'une harmonisation Majeure. Ainsi :

I – CMaj7 (do, mi, sol, si) contient Em (mi, sol, si), C6 (do, mi, sol, la do) contient Am (la, do, mi)

II – Dm7 (ré, fa, la, do) contient FMaj (fa, la, do)

III – Em7 (mi, sol, si, ré) contient GMaj (sol, si, ré)

IV – FMaj7 (fa, la, do, mi) contient Am (la, do, mi)

V – G7,9 (sol, si, ré, fa, la) contient Dm (ré, fa, la) et Bm75b (si, ré, fa, la)

VI – Am7 (la, do, mi, sol) contient CMaj, Am7,9 (la, do, mi, sol, si) contient Em (mi, sol, si) et CMaj7

VII – Bm75b (si, ré, fa, la) contient Dm (ré, fa, la)

Dès lors, sur un banal Anatole C – Am – Dm – G – C (I-VI-II-V-I), on pourra improviser avec la séquence d'arpège Am – CMaj7 – FMaj7 – Dm – Em. A chaque accord de l'harmonie, j'improvise en jouant un accord différent, à la fois de par sa fondamentale et de par son caractère Maj/min !

 

Ce procédé offre aussi de nombreuses possibilités sur les accords 7 de dominante. Quelques exemples :

Jouer l'arpège de EMaj (mi, sol#, si) sur un accord de G7 (sol, si, ré, fa) fera entendre un G7 9b, 13 (sol, si, ré, fa, lab, mi)

Jouer l'arpège de Abm (lab, dob, mib) sur un accord de G7 fera entendre un G7 9b, 13b (sol, si, ré, fa, lab, mib) - Joe Pass est friand de cette option.

 

Et que dire d'un arpège de DMaj énoncé sur un CMaj, qui nous fait alors apparaitre un élégant C6,9,#11 !

Ou bien du splendide BMaj joué sur un EMaj, l'habillant ainsi avec tact de sa Maj7 et de sa 9ème !

 

Bref, vous l'aurez compris, toutes les expérimentations sont permises, seule votre oreille sera juge, mais n'oubliez pas, « It don't mean a thing if it ain't got that swing ! »

 

Au delà de la simple astuce technique musicale, il est intéressant de constater qu'oser la superposition de deux composants différents, l'entrelacs de deux couleurs opposées, provoque une richesse sensorielle inattendue, une subtilité émotionnelle étonnante, bref, de la beauté. Pourtant, à première et courte vue, mêler ainsi deux objets musicaux apparemment éloignés, voire opposés l'un de l'autre, n'augurait à priori que dissonance, dysharmonie, laideur. A méditer en ces temps troublés ou l'égoïsme, le repli sur soi, la défiance envers l'autre s'affichent un peu partout.

La bi-tonalité, éloge de l'audace et du métissage ?

 



04/12/2018
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