Plus fort, tas de faignants !
La crise que nous traversons a le mérite de mettre à nu les vices et perversions des modèles idéologiques, politiques, économiques, spirituels de notre civilisation. Civilisation à bout de souffle, en pleine impasse.
Nous n'avons jamais été aussi riches, nous n'avons jamais été aussi développés technologiquement, mais un virus un peu pervers nous laisse démunis.
L'obsession quasi religieuse de l'économie et de la croissance a généré une réponse absurde au problème, risible si ce n'était si grave. Combattre une maladie par des privations de libertés et des isolements pour rompre les chaines de contamination, tout en voulant maintenir à tout prix l'activité économique, s'avère cacophonique, contradictoire et illisible.
Je pensais qu'une maladie se combattait sur le plan médical. Or, si des milliards d'aides ont été distribués aux entreprises, aucun investissement n'a été réalisé au profit du monde médical : nous n'avons toujours pas plus de lits et de moyens dans les hôpitaux. Les morts de la première vague n'ont servi à rien, nous abordons la deuxième vague avec la même indigence médicale. Les quelques lits supplémentaires évoqués ne sont que les places laissées vacantes par la déprogrammation massive des interventions chirurgicales (ou comment remplacer un problème par un autre...).
La seule réponse médicale donnée est le vaccin. Bien évidemment, un vaccin pour l'humanité entière, voilà un investissement bien plus juteux que de former et d'embaucher des médecins et des infirmiers, de construire des hôpitaux. Bingo, quel marché ! Voilà de quoi ragaillardir les actionnaires des entreprises pharmaceutiques. Finalement, pas mal pour la croissance, ce petit virus, non ?
Ceci étant tristement acté, comment nos élites, pourtant formatées, pardon, formées, dans les plus exigeantes et prestigieuses écoles de la République, peuvent-elles si grossièrement se fourvoyer à ce point ? C'est en ré-écoutant par hasard une vieille chanson d'Henri Salvador que j'ai compris ma méprise et réalisé l'intelligente stratégie cachée de nos gouvernants.
Nous n'avons plus la possibilité de faire du sport ensemble, d'aller à des spectacles, de jouer de la musique ou de danser en groupes, bref, de nous divertir autrement que par l'intermédiaire de notre écran d'ordinateur ou de smartphone (tiens, d'ailleurs, au passage, les GAFA se frottent les mains, belle aubaine).
Grâce à ces interfaces numériques, nous sommes sommés de travailler à distance. Et pour ceux qui ne peuvent travailler ainsi, tout est fait pour les maintenir au travail, parfois même au mépris des consignes sanitaires exigées. Exit les loisirs, mais le travail, lui, continue. Métro-boulot-dodo ou même plus simplement boulot-dodo pour les télé-travailleurs.
Le travail ! Bien sur, le travail est la solution ! Car « le travail, c'est la santé ! ». Le travail nous procurera une santé de fer sur laquelle le virus n'aura aucune prise. Quelle merveilleuse tactique, comment ai-je pu douter de l'imparable clairvoyance de nos élites !
Sauvés par les bienfaits sanitaires du travail, le bout du tunnel se profile enfin !
Alors, allez, tous ensemble contre le virus, reprenez avec moi, et chantez plus fort, tas de faignants :
Le travail c’est la santé...
https://www.youtube.com/watch?v=84vhdgqdubA
Cette séquence date de 1965, c'est probablement l'un des premiers « clips ». Cette chanson avait fait un énorme tube, elle était très diffusée sur les radios et sur l'unique chaine de TV de l'époque. Je me souviens que nous la chantions, gamins, à l'école. Pourtant, elle est particulièrement subversive, elle dénonce sans détours l'aliénation du travail moderne.
Henri Salvador, sous couvert de son statut d'amuseur public un peu benêt avait réussi à vulgariser et diffuser ce que le philosophe et généticien Albert Jacquart formulait ainsi : « Si, dit-on, l'oisiveté est mère de tous les vices, le travail est père de toutes les soumissions ».
"Ces gens qui courent au grand galop
En auto, métro ou vélo
Vont-ils voir un film rigolo?
Mais non, ils vont à leur boulot
Refrain:
Le travail c’est la santé
Rien faire c’est la conserver
Les prisonniers du boulot
N’font pas de vieux os.
Ils bossent onze mois pour les vacances
Et sont crevés quand elles commencent
Un mois plus tard, ils sont costauds
Mais faut reprendre le boulot
Dire qu’il y a des gens en pagaille
Qui courent sans cesse après le travail
Moi le travail me court après
Il n’est pas près de m’rattraper.
Maint’nant dans le plus p’tit village
Les gens travaillent comme des sauvages
Pour se payer tout le confort
Quand ils l’ont, eh bien, ils sont morts.
Hommes d’affaires et meneurs de foule
Travaillent à en perdre la boule
Et meurent d’une maladie de cœur
C’est très rare chez les pétanqueurs."
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