On connait la musique...

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Catalogue d'oiseaux

 

Olivier Messiaen (1908 – 1992) est un compositeur majeur du XXème siècle. Sa musique constitue un pont entre le néoclassique et les musiques contemporaines. Chez Messiaen, l'atonalité se fait discrète, les audaces harmoniques et l'emploi de dissonances demeurent ancrées dans un langage somme toute assez « classique ». Il a pourtant ouvert la voie aux grandes figures audacieuses de la musique contemporaine tels Pierre Boulez et Iannis Xenakis, qui furent ses élèves au Conservatoire de Paris.

Voici quelques pièces remarquables pour découvrir ce compositeur : https://youtu.be/SkwBEpSfuYg https://youtu.be/8PjyCpRKDrk

 

Olivier Messiaen est également ornithologue. Sa passion pour les oiseaux imprègne toute son œuvre. Il n'a cessé tout au long de sa vie de retranscrire les chants des oiseaux pour les intégrer dans ses compositions.

Son œuvre la plus emblématique sur ce point est « Catalogue d'oiseaux ». Il s'agit d'une suite pour piano qui décline en 13 pièces des variations sur les chants de 13 oiseaux : chocard des Alpes, loriot, merle bleu, traquet stapazin, chouette hulotte, alouette lulu, rousserolle effarvatte, alouette calandrelle, bouscarle de Cetti, merle de roche, buse variable, traquet rieur, courlis cendré. https://youtu.be/UmrAL2WNjGs

Catalogue d'oiseaux fut écrit entre 1956 et 1958. Si Olivier Messiaen devait écrire cette œuvre aujourd'hui, soit une soixante d'années après sa création originale, il ne le pourrait pas. Ou, du moins, pas dans sa richesse originale :

  • le Traquet rieur n'est plus, il est officiellement classé comme « espèce disparue de France ». (Le dernier couple nichait en 1996 dans le massif des Albères, dans les Pyrénées orientales.),

  • 4 autres oiseaux (merle bleu, alouette lulu, alouette calandrelle, courlis cendré) ont une population en forte régression, ils sont menacés d'extinction dans certaines régions,

  • 4 autres espèces sont en déclin notable (chocard des alpes, traquet stapazin, rousserolle effarvatte, monticole merle de roche).

Catalogue d'oiseaux ne comporterait plus aujourd'hui que 12 pièces au lieu de 13 et Messiaen aurait fort à faire pour aller étudier et relever les chants de 8 oiseaux devenus rares.

 

La nature a toujours été une source d'inspiration primordiale pour les artistes. L'homme préhistorique reproduisait principalement des scènes animalières sur les murs des grottes. Un paysage naturel dit « pittoresque » tient étymologiquement sa qualification du fait qu'il soit « digne d'être peint, de fournir un sujet à un peintre ou un graveur ».

 

En musique, les exemples sont légion.

En tant que guitariste, je pense notamment à l'étude n°1 pour guitare de Villa Lobos, qui est une évocation remarquable de la mer. La pièce est une suite d'arpèges ondoyants qui simule la succession des vagues sur la côte, chaque arpège étant répété à l'image du flux et du ressac de chaque lame de mer. https://youtu.be/Mi8BtyNuVDw

Quelques années plus tard, son compatriote A. C. Jobim, écrira, en clin d'oeil à Villa Lobos, sa traduction musicale bossa nova de la vague dans le morceau "Wave" https://youtu.be/a6KDpB6skA4

Autrement, allez jeter une oreille sur la première partie du Sacre du Printemps de Stravinsky, exprimant l'adoration de la terre couverte de fleurs au Printemps. Si la sève ne vous monte pas dans les veines à son écoute, désabonnez-vous de ce blog. https://youtu.be/yrhGmXY_wpk 

 

Notre écosystème naturel n'est pas seulement une organisation biologique complexe nécessaire à la vie sur terre, et dont notre existence - notre survie désormais – dépend. Elle est aussi le milieu dans lequel nous puisons notre créativité et notre bien-être psychique.

La médecine actuelle s'accorde à reconnaître les bienfaits thérapeutiques de la fréquentation des animaux et des végétaux. Caressez un chat qui ronronne doucement sur vos genoux ou allez faire une ballade en forêt, vous comprendrez de quoi je parle.

Pas étonnant, dès lors, que créativité artistique et nature aient toujours été d'intimes complices.

 

A notre époque qui voit la biodiversité s'effondrer, le climat menacé par le réchauffement climatique, et les espaces naturels détruits par la suractivité humaine, comment la création artistique peut-elle évoluer alors que l'un de ses plus puissants moteurs se meurt ?

 

Dans un précédent article, R.I.P. Mélodie !, que je vous invité à relire https://onconnaitlamusique.blog4ever.com/rip-melodie, nous nous interrogions sur la disparition des formes mélodiques dans les musiques d'aujourd'hui. Nous évoquions les outils numériques utilisés pour la création et la réalisation musicale, comme explication à ce phénomène.

Ce n'est probablement pas la seule raison. Il se pourrait bien que la crise environnementale que nous connaissons tende à rompre les liens intimes qui unissent créativité et nature. L'effacement de celle-ci ne nous permettrait plus de nous nourrir de son inépuisable beauté mélodique et harmonique, et notre inspiration se verrait alors réduite aux sons de nos activités urbaines, numériques, motorisées, consuméristes.

 

S'il était encore parmi nous, Olivier Messiaen, prenant acte et faisant fi des temples végétaux que forment les frondaisons forestières et les bocages champêtres, n'aurait plus qu'à puiser son inspiration dans les centres commerciaux, ces nouvelles cathédrales du culte de la croissance, nos nouveaux biotopes de béton, de verre et d'acier.

Mais si, cherche bien, Olivier, il y a quelques pigeons...

 

 

PS : à voir et écouter, un excellent documentaire sur Olivier Messiaen en replay sur Arte https://www.arte.tv/fr/videos/104480-000-A/ecouter-le-chant-des-oiseaux-olivier-messiaen-compositeur-et-ornithologue/

 

 

 



05/05/2022
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