On connait la musique...

On connait la musique...

Du jazz... au grand débat

Avant de se dévoyer en musique de papier peint pour bar chic ou en argument marketing pour quelques marques de luxe, le jazz est une musique profondément populaire. Il y a bien longtemps, avant d'investir les salles de concert prestigieuses et les grands festivals internationaux, le jazz nait dans les champs de coton du sud des USA. Là, des esclaves, avec en mémoire les sons de leurs terres africaines perdues, à travers leurs chants et à l'aide d'instruments rudimentaires bricolés, posent les bases de cette musique qui porte en elle la liberté dont ils furent si cruellement privés.

 

Au fil du XXème siècle, le jazz gagnera la rue, les bars, les dancings, la radio, le cinéma. Comme son cousin le blues, Il évoluera et fera des enfants (soul, rythm & blues, funk, rap...); il se métissera; il se théorisera, jusqu'à être enseigné de nos jours dans les Conservatoires. Mais cette reconnaissance ne s'obtint qu'à travers de nombreux combats culturels, politiques, sociaux. Le jazz est aussi l'histoire d'une longue lutte contre l'Amérique raciste et contre l'hégémonie des arts institutionnalisés. C'est pourquoi le jazz nous dit de ne jamais renoncer, d'être fier de ses convictions, de ses origines, de ses émotions.

Ce souci de porter une parole libre et insoumise se traduit particulièrement par l'immense place laissée à l'improvisation, ce procédé dans lequel le discours libre de chaque improvisateur ne peut être transcendé qu'au travers de l'écoute et du soutien des autres partenaires musiciens. Jouer le jazz est ainsi une formidable leçon de bienveillance et d'empathie.

 

En gardant en mémoire les douloureux champs de coton qui l'ont vu naître, l'esprit du jazz, musique populaire, libre et empathique, nous intime la vigilance face au repli sur soi, au rejet de l'autre, aux crispations identitaires, aux préjugés, aux discriminations.

Ce rôle salutaire n'est pas l'apanage du jazz. De la chanson « Le déserteur » de Boris Vian https://youtu.be/gjndTXyk3mw conçue dans le climat de contestation larvée qui suivit le déclenchement de la guerre d'Algérie, à Jimi Hendrix déstructurant l'hymne américain le 17 août 1969 au festival de Woodstock pour dénoncer l'engagement militaire au Vietnam https://youtu.be/MwIymq0iTsw, la musique, les arts, ont toujours été les vigies visionnaires des dérives de nos sociétés. « La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre offensif et défensif contre l’ennemi. » déclarait Picasso.Le dictateur le sait et museler les artistes est un préalable à l'accomplissement de ses desseins.

 

Des arts florissants sont donc un indicateur de bonne santé de nos démocraties, et Camus nous avait prévenu : «Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude».

Il est alors alarmant de constater que l'item culturel et artistique est absent du grand débat national proposé par le gouvernement, consultation pourtant censée oeuvrer à re-construire collectivement une concorde sociale. Cet objectif est voué à l'échec sans l'éclairage des artistes.

Plus inquiétant peut-être, ce volet culturel et artistique est également absent des discours exprimés sur fond jaune dans les rond-points et manifestations. Et aucun mouvement artistique ne semble s'être emparé de cette révolte.

Dommage, très dommage car, tant sur le plan collectif que sur le plan individuel, notre bien-être et notre épanouissement ne peut se faire sans l'aide des Muses. Des Muses, et aussi de Cupidon comme nous le rappelle Somerset Maugham : « Seuls l'amour et l'art rendent l'existence tolérable. ».

Tiens, à propos, vous avez entendu parler d'amour dans notre France agitée de ces derniers mois ? https://youtu.be/dsxtImDVMig

 



21/03/2019
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Musique pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 47 autres membres